Marie-Josèphe Carreau, petite-fille de l’ancêtre des Carreau et Careau d’Amérique
Marie Careau
Société Généalogique Canadienne-Française
Les familles Careau et Carreau d'Amérique sont toutes descendantes d'un même ancêtre unique : Louis Carreau dit Lafraischeur, qui a émigré en Nouvelle-France au XVIIe siècle en provenance de Bordeaux. Bien que ce ne soit pas un patronyme très répandu, Louis Carreau est un des premiers pionniers de la Nouvelle-France. Nous pouvons peut-être expliquer le peu de personnes portant ce patronyme par le fait que les filles de la famille furent toujours plus nombreuses que les garçons, contribuant ainsi à faire quelque peu disparaître le patronyme. L’histoire que nous voulons vous raconter ici concerne la petite-fille de Louis, Marie-Josèphe Carreau, née en 1722 et décédée en 1800.
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Carte des Environs de Quebec en |
Marie-Josèphe est la fille de Joseph, le seul garçon de Louis qui a atteint l’âge adulte, et de Marie-Josèphe Pouliot, la seconde épouse de Joseph. Elle nait en 17221, à L’Ange-Gardien, sur la terre que le patriarche, Louis, avait acheté en 1665 le long de la rivière Montmorency.2 Louis y avait construit une maison, une étable en pièces sur pièces3 et une grange, placée selon le modèle traditionnel de ferme que l’on retrouvait en France, de sorte à former une cour intérieure. On peut voir la ferme sur la carte du Sieur Robert Villeneuve, dessinée en 1685. La famille ne possédait pas beaucoup de biens de valeur, sauf une petite paire de salières en faïence.4 Nous pouvons supposer que ces salières avaient été apportées de France, car la faïence n’était pas produite en Nouvelle-France à cette époque. C’était également un bien de luxe, inhabituel dans une famille de cultivateurs. Louis et Jeanne étant issus de familles bourgeoises, il est logique de penser que ces salières appartenaient à un ou l’autre avant leur départ de France.
Le 12 novembre 1736, Marie-Josèphe épouse Jacques Garneau, fils de Louis Garneau et Marguerite-Catherine Soulard. Le couple s’installe sur la terre du sault Montmorency, avec les parents de Marie-Josèphe dont tous les enfants ont quitté la maison, sauf le dernier, Louis, qui est âgé de 23 ans au mariage de sa sœur. Le 6 mars 1738, un premier garçon naît et est prénommé Louis, comme son parrain, le père de Jacques Garneau. Un autre garçon suit le 8 octobre 1741 et est prénommé Joseph, cette fois comme le père de Marie-Josèphe. Entre temps, Louis Carreau, le dernier fils, a quitté la maison familiale et défriche sa terre à Saint-Augustin dans le comté de Portneuf.
Jacques Garneau ne survivra pas longtemps après la naissance de son deuxième enfant. Son acte de sépulture n’a pas été retrouvé, mais l’inventaire après décès effectué le 13 juin 1742 indique qu’il est décédé dans sa maison de L’Ange-Gardien le 28 novembre 1741.5 Avec deux jeunes enfants dont un bébé de quelques mois, Marie-Josèphe se remarie rapidement avec Joachim Bureau, le 2 juillet 1742.6 Joachim est le fils de Jean Bureau dit Sansoucy et de Marie-Anne Lachaine dit Jolicoeur de L’Ancienne-Lorette. Ses parents sont tous les deux décédés.7 Marie-Josèphe et son nouvel époux continuent à demeurer sur la terre ancestrale Carreau, dans la maison familiale avec la mère de Marie-Josèphe. Le 6 octobre 1745, le premier enfant de ce couple vient au monde. C’est un garçon qu’on prénomme Jean-Baptiste, comme le feu père de Joachim.8
Mais la vie de ce couple prendra bientôt un tournant dramatique. La même année, les Anglais attaquent la forteresse de Louisbourg et en prennent possession. Ils se dirigent ensuite vers Annapolis Royal, en Acadie, et assiègent la ville. Ils détruisent aussi les principaux établissements à l’Ile Saint-Jean, actuelle Ile du Prince-Édouard. La menace anglaise se faisant de plus en plus près, on commence des travaux pour refaire les fortifications de la Ville de Québec. L’année suivante, on établit un poste d’observation à Rimouski pour signaler tout navire qui entrerait dans l’Estuaire du Saint-Laurent. Une expédition canadienne part de Québec pour tenter de reprendre les terres perdues aux Anglais. On réussit à reprendre l’Ile Saint-Jean, mais on échoue à reprendre l’Acadie. Il faudra attendre 1747-1748 pour la reprendre, mais ce sera malheureusement temporaire.
Le 3 novembre 1746, le père de Marie-Josèphe, Joseph, décède à l’âge de 79 ans. Un inventaire est effectué en présence des enfants et conjoints des enfants, notamment Marie-Josèphe et son conjoint Joachim Bureau qui vivent toujours dans la même maison. Les biens retrouvés dans la maison sont similaires au premier inventaire effectué vingt ans plus tôt.9 Tristement, il semble qu’une des salières en faïence ait été cassée, car il n’en reste qu’une seule à l’inventaire.

Vue de la Chute de Montmorency et de l'attaque par le général Wolfe sur les retranchements français près de Beauport avec les Grenadiers de l'armée, le 31 juillet 1759
Hervey Smith - 1761
En mai 1759, les habitants apprennent qu’une expédition anglaise se dirige vers Québec. Montcalm fait construire des ouvrages de défense autour de Québec, notamment une ligne de retranchement creusée du sault Montmorency jusqu’à la Ville. Il ordonne la mobilisation de toute la milice, c’est-à-dire tous les hommes âgés de 16 à 60 ans, ainsi que l’évacuation de l’Ile d’Orléans et de la côte de Beauport. Les fils de Marie-Josèphe, Louis (21 ans) et Joseph Garneau (18 ans), ainsi que son époux, Joachim (39 ans), doivent probablement s’enrôler pour combattre. Le 26 juin, la flotte britannique, composée de 49 bateaux de guerre et 119 navires marchands, avec à leur bord près de 18 000 hommes d’équipage et 8 500 soldats, atteint l’Ile d’Orléans. Dans la nuit du 8 au 9 juillet, les troupes britanniques de Wolfe débarquent au sault Montmorency et s'installent sur les terres de Joachim Bureau et Marie-Josèphe Carreau ainsi que chez leurs voisins, les Vézina. Marie-Josèphe et les enfants semblent se réfugier à Beauport, où se trouvent les troupes françaises, chez le frère de Marie-Josèphe, Joseph, et son épouse Monique Giroux. Marie-Josèphe est enceinte de plus de huit mois lorsqu’ils quittent leur terre, car le 29 juillet 1759, à Beauport, elle donne naissance à une fille qu’ils prénomment Marie-Barbe et dont le parrain sera le frère de Marie-Josèphe, Joseph Carreau.10
Pendant ce temps, les bombardements sont continus sur Québec et plusieurs incendies majeurs se déclarent. Le 31 juillet, la bataille est déclenchée entre les forces britanniques au sault Montmorency et les troupes françaises cantonnées du côté de Beauport. L’attaque est un échec pour les Anglais qui subissent de lourdes pertes. Cette défaite ainsi que les escarmouches de guérilla subies contre les milices canadiennes déclenchent la colère des Anglais qui se vengent contre la population. Au cours du mois d’août, environ 1 400 maisons, granges et églises sont incendiées par les troupes de Wolfe.
Dans la nuit du 13 septembre, les soldats anglais débarquent à l’Anse-au-Foulon puis escaladent la falaise pour se rendre sur les Plaines d’Abraham. La bataille commence vers 10 h le matin et se termine autour de midi. Wolfe a été tué dans la bataille et Montcalm est gravement blessé. Il mourra le lendemain matin et sera enterré dans la chapelle des Ursulines. Le 18 septembre, la capitulation de Québec est signée et le drapeau Union Jack est hissé au-dessus des murs de la ville.
Au cours de l’automne, les habitants de la Côte de Beaupré retournent progressivement sur leurs terres dévastées. Les maisons et les champs ont été incendiés et le bétail a été pris par les Anglais. On doit tout recommencer, rebâtir les maisons incendiées, rebâtir les bâtiments de ferme, ensemencer les champs. Au recensement de 1762, Marie-Josèphe est recensée avec son époux, Joachim Bureau, sur la terre familiale au sault Montmorency. Elle est âgée de 40 ans, a deux garçons de moins de 15 ans et deux filles.11
Ils n’ont qu’un seul arpent en labour, alors qu’ils en avaient plus de 17 avant le débarquement anglais.12
Joachim Bureau décédera en 1786, à 65 ans, et Marie-Josèphe décédera en 1800 à 77 ans. Ils auront eu 15 enfants, tous sur la terre du sault Montmorency. Dans les années 1995 et en 2002, des fouilles archéologiques seront effectuées au Parc de la Chute Montmorency et autour des maisons ancestrales Vézina. Quelques morceaux de faïence y seront trouvés.13 Les salières de Louis Carreau ?
1. Acte de baptême de Marie-Josèphe Carreau, 17 août 1722. Registre BMS de L’Ange-Gardien.
2. Notaire Pierre Duquet de Lachesnaye, 11 septembre 1665.
3. Recensement 1681.
4. Inventaire de la communauté de biens de Joseph Carreau et Barbe Letarte, notaire Jacques Barbel, 22 janvier 1721.
5. Inventaire après décès de Jacques Garneau et Marie-Josèphe Carreau, 13 juin 1742, notaire Pierre Huot, feuillet no 108
6. Acte de mariage 2 juillet 1742, Registre BMS de L’Ange-Gardien
7. Jean Bureau est décédé en 1729 et Marie-Anne Lachaine est décédée en 1732.
8. Acte de baptême de Jean-Baptiste Bureau, 6 octobre 1745. Registre BMS de L’Ange-Gardien.
9. Inventaire de la communauté de biens de Joseph Carreau et de Marie-Madeleine Pouliot, notaire Joseph Jacob, 8 avril 1728.
10. Acte de baptême de Marie-Barbe Bureau, 29 juillet 1759. Registre BMS de Beauport.
11. Recensement 1762 cité dans Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec (RAPQ), 1925.
12. Recensement de 1762 et recensement 1681.
13. Sonia Blouin, Arianne Boileau et al. (2009). Plan de gestion du patrimoine archéologique de la Côte-de-Beaupré. Boischatel, L’Ange-Gardien, Château-Richer.



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