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Maison Canton Bedford. Bedford 1890-1990, Album centenaire, 1990

Mon ascendance irlandaise

Joanne Choquette

Je fais de la généalogie à titre d’amatrice depuis 2014. Au départ, mes recherches furent faciles puisque je m’attardai à l’arbre généalogique de mes familles maternelles : Bissonnette, Lalande dit Latreille & Gauthier. Le résultat se résume en des fiches de familles, des photos de monuments de cimetières sur clé USB et finalement, le don de ces données, au Centre d’archives Vaudreuil-Soulanges, en 2018.

La période de confinement aidant, je me questionnai sur les aspects obscurs de ma lignée paternelle. En ce sens, que durant notre enfance, nous étions au courant d’une seule chose à savoir : « le père de mon père était décédé ». Après quelques recherches et l’acheminement de lettres à certaines instances de clergés et diocèses, laissées sans réponse, je me retrouvai à nouveau devant rien.

Un jour, en cherchant sur le site de BAnQ, je trouvai à la rubrique Revues et journaux québécois archivés, un article dans la colonne « Vous souvient-il ? » de l’édition quotidienne de La Presse de Montréal, datée du 18 mai 1928, intitulé « FEU M. M. CHOQUETTE ». Le correspondant du journal résumait la cérémonie funéraire en indiquant : « Ces jours derniers ont eu lieu les funérailles de M. Moise Choquette, au milieu d’un grand concours de parents et d’amis. La famille a reçu plusieurs bouquets spirituels et offrandes de messes… Monsieur Choquette laisse son épouse Rose McGuire et cinq enfants.»1 Il ne m’en fallut pas plus pour retourner à mes recherches entreprises afin d’élucider, qui était en réalité cette dame prénommée Rose McGuire.

Ce que je vais conter dans les lignes qui suivent, peut prendre l’allure d’une légende irlandaise ou presque, car huit années passées, je ne me connaissais pas l’existence d’une descendance irlandaise.

Rose ou Rosy ou Rosalia McGuire (écrit ainsi sur l’acte de baptême de 1856)2 est la fille de deux immigrants irlandais arrivés en terre d’Amérique entre 1820 et 1831. Elle épouse en 1885, Moise Moses Choquette (mon arrière-grand-père), à l’église de Sainte-Brigide d’Iberville3. Son époux décède en 1928, âgé de 69 ans, suivi par mon arrière-grand-mère Rose, en 1931, alors âgée de 73 ans. Selon des actes de sépultures trouvés dans des registres, le couple serait inhumé dans ce village. Cependant, aucune autre source n’a pu me le confirmer jusqu’ici. Selon le descriptif de l’historique de la municipalité, concernant le cimetière actuel de Sainte-Brigide, il s’agirait en fait du troisième cimetière.

Poursuivant mes recherches, et sans me décourager, qualité nécessaire à tout généalogiste en herbe, je décidai de me concentrer sur l’histoire de mes arrière-arrière-grands-parents. C’est ainsi que je peux affirmer être tombé sur une sorte de « coffre aux trésors ».

Cahier Historique de Saint-Brigide d'Iberville 1820-1955. Archives de l'auteure.

Cahier Historique de Saint-Brigide d'Iberville 1820-1955. Archives de l'auteure.

Lors d’une visite faite, il y a quelques années, au Centre de documentation de la Société de généalogie des Cantons-de-l‘Est, je trouvai un fascicule écrit par Monsieur Rosaire Benoit, soit l'Historique de Sainte-Brigide d’Iberville 1820-1955. En parcourant le récit de tradition orale sur la fondation de cette paroisse, j’appris qu’un de ses fondateurs était Barnard ou Bernard McGuire (soit mon arrière-arrière-grand-père). L’auteur relate qu’à l’âge de 14 ans, Bernard serait arrivé par bateau depuis l’Irlande, vers 1820 à Washington (ou ne serait-ce pas plutôt Port Washington, une banlieue de New York ?) avec son frère James, 16 ans, et leur père Francis McGuire, un veuf irlandais. L’auteur ajoute que Francis, le père, refit le trajet inverse vers l’Europe (peut-être pour aller chercher ses autres enfants), que son fils James resta aux États-Unis, alors que Bernard traversa la frontière canadienne pour se diriger vers les Cantons-de-l’Est.4 

Ma curiosité grandissante, je fis alors une autre belle découverte concernant cette fois, mon arrière-arrière-grand-mère, une dame du nom de Mary McAleer soit, la mère de Rosy Rose.  Mary est une Irlandaise du comté de Tyrone. Elle est partie de Belfast en 1831 à l’âge de 16 ans, accompagnant son père Lawrence McAleer, un veuf de 50 ans, ses deux sœurs et son frère. 

J’ignore encore comment la rencontre entre Bernard et Mary, ces deux Irlandais exilés, s’est faite. En revanche, j’ai trouvé leur acte de mariage soit, l’union entre Barnard (Bernard) McGuire et Mary Mc Mccuihilleer (McAleer), le 4 août 1835, à l’église de St-Nom-de-Marie, à Sainte-Marie-de-Monnoir, Marieville, Québec.5 

Quelques années plus tard, Mary, après avoir été mère au foyer et élevé ses enfants auprès de son mari cultivateur à Sainte-Brigide, reçoit une lettre en provenance de Worcester au Massachusetts. Celle-ci vient de son neveu George McAleer. Il s’agit en fait, du fils de son frère Miles McAleer, époux de Jane O’Connell. Ce couple est arrivé d’Irlande en 1834 avec trois enfants, six autres sont nés dans les Cantons-de-l’Est, dont son neveu George. Baptisé le 21 décembre 1845 à Henryville, au Québec, il décéda à Worcester, Massachusetts en 1923.6

Sépulture de Dr. George McAleer

Sépulture de Dr. George McAleer. Archives de l'auteure.

McAleer, George, 1845. A study in the origin and signification of the surname McAleer and a contribution to the McAleer genealogy

McAleer, George, 1845. A study in the origin and signification of the surname McAleer and a contribution to the McAleer genealogy

C’est en cherchant sur internet à ce nom que je trouvai alors plusieurs références de livres dont l’auteur est George McAleer M.D. Parmi ceux-ci, un livre contient la source d’une correspondance envoyée par le neveu à sa tante Mary, adressée le 28 octobre 1878.7 

S’en suivra, une lettre acheminée par la tante Mary, le 15 mars 1879, expliquant qu’elle a dû faire quelques recherches complémentaires. Elle répond en donnant des détails sur l’arbre généalogique des McAleer, dont son père Lawrence (le grand-père de George), qui fut deux fois veuf en Irlande. Celui-ci était fermier et maçon. Arrivé en Bas-Canada, il s’acheta une terre pour y construire sa maison, située entre les villages de Bedford et Stanbridge-East. 

Une seconde lettre est rédigée le 26 février 1883 par sa tante Mary, qui est alors âgée de 65 ans. Ce qu’elle y décrit me fascine toujours et m’habite encore plus dans la poursuite de mes recherches. Dans cette seconde correspondance, elle résume le courageux périple de ces immigrants irlandais, alors que traverser l’Océan n’a rien de comparable aux croisières d’aujourd’hui. Elle décrit le trajet en partance du port de Belfast en 1831 jusqu’à leur arrivée à Québec. De là, ils opèrent un transfert sur « un steamboat », ou bateau à vapeur, en direction de Montréal, un trajet devant se poursuivre vers l’Upper Canada. Cependant, pour ces gens, le trajet s’arrêta à Montréal compte tenu des nombreuses réparations à effectuer sur le bateau. Suite à la demande de son père adressée aux instances du bateau, Mary et le reste de sa famille seront alors dirigés vers un lieu où résident déjà des Irlandais. C’est donc en diligence, sur des routes parfois incarrossables, que la famille McAleer arriva dans le comté Missisquoi. Celle-ci sera alors accueillie avec bienveillance et courtoisie comme sait le faire le peuple irlandais.8 

Ce qui me touche beaucoup dans la lecture de ces deux lettres, c’est  la manière dont Mary McAleer, mon arrière-arrière-grand-mère, parle des membres de sa famille. De son époux Bernard, elle le décrit « comme un homme calme, d’une intégrité remarquable ». Ils ont eu neuf enfants dont j’ai répertorié les actes de baptêmes de 1837 à 1856 : deux fils, un bébé mort-né et six filles, dont leur cadette, mon arrière-grand-mère Rosy Rose McGuire Choquette.

Paysage agricole 9e rang Sainte Brigitte d'Iberville Piste cyclable 9e rang Sainte-Brigitte d'Iberville. Archives de l'auteure.

Paysage agricole 9e rang Sainte Brigitte d'Iberville. Archives de l'auteure.

Piste cyclable 9e rang Sainte-Brigitte d'Iberville. Archives de l'auteure.

Une visite effectuée récemment dans la région de Missisquoi m’a permis de visualiser ce qui pouvait correspondre au lieu où vécurent mes ancêtres McGuire, dans le 9e rang de Sainte-Brigide d’Iberville, à proximité de ce qui est aujourd’hui les environs de la halte cycliste km 31, piste #1, route verte.9 Quant à la Famille McAleer et ses descendants, une photo de la page 539 provenant de l’album du centenaire de Bedford 1890-1990 nous fait voir celle-ci à l’époque ainsi qu’un exemple dans le Canton de Bedford, d’une habitation rurale de type courant d’immigration du XVIIIe siècle, est toujours présente.10

Maison Canton Bedford Type de maison rurale Canton Bedford. Archives de l'auteure

Maison Canton Bedford. Bedford 1890-1990, Album centenaire,1990

Type de maison rurale Canton Bedford. Archives de l'auteure

S’il existe une légende irlandaise à savoir, que certaines personnes peuvent nous apparaitre dans nos rêves, et bien, je peux affirmer que j’attends toujours  la venue de Rosy Rose, car j’ai de nombreuses questions pour elle. 

 


Mention de l'auteure :

Lorsque j’ai décidé de poser ma candidature au concours d’écriture Mes ancêtres au bout de ma plume dans le cadre de la Semaine nationale de la Généalogie, lancé sur le site de la FQSG, je trouvais le thème approprié pour moi, soit de raconter une histoire familiale que la généalogie m’a permis de découvrir, une histoire qui me tient à cœur de transmettre aux générations futures.

Par mon expérience personnelle, je voudrais également laisser le message suivant aux lecteurs et nouveaux généalogistes en herbe, celui de NE JAMAIS SE DÉCOURAGER. Parfois, la route est longue, mais on y arrive ou presque... Également, il ne faut pas hésiter à se rendre dans les bureaux des Centres d’archives locaux ou régionaux, ceux situés hors des centres urbains. Ceux-ci sont une source de références très utile, en plus du personnel expérimenté et de bénévoles dévoués sur place, leur centre de documentation avec tous leurs livres et leurs répertoires sont là pour aider dans nos recherches.

Il reste qu’à leur souhaiter l’aide financière nécessaire afin de les maintenir en vie. Merci.
 

Sources & références

1. BAnQ numérique, Revues et journaux québécois archivés, "Vous souvient-il ?", Édition quotidienne La Presse, Montréal, 44e année - No 180 - 40 pages - Vendredi 18 mai 1928 page 27 de 40, F:/82812_1928-05-18.pdf

2. Baptême : 1856-10-26 marie rosalia MAGUIRE, Québec/Fonds Drouin/Ste/Ste-Brigide/1850/1856/ © Fonds Drouin - d1p_02420524.jpg et Lafrance_naissances/4741054.

3. Mariage : 1885-02-16 M.CHOQUETTE & R.MCGUIRE, Québec/Fonds Drouin/Ste/Ste-Brigide/1880/1885/ © Fonds Drouin - d1p_02421200.jpg et Lafrance_mariages/13745367

4. BENOÎT, Rosaire, Historique de Sainte-Brigide d’Iberville 1820-1955. 7e Cahier de la Société historique de la Vallée du Richelieu. Éditions du Richelieu Limitée, Saint-Jean, Québec. 36 p/ photo prise dans le cadre de l’exposition de pièces et photos anciennes à l’église de Sainte-Brigide par la Société du Patrimoine de Sainte-Brigide/ photo IMG_0502.jpg de Choquette ,16 septembre 2025.

5. Mariage : 1835-08-04  b. MCGUIRE & m. MCCUIHILLEER Québec/Fonds Drouin/M/Marieville/Marieville (St-Nom-de-Marie)/1830/1835/ © Fonds Drouin- d1p_03541384.jpg et Lafrance - mariages/13444939 : https://www.genealogiequebec.com/fr/lafrance_mariages/13444939

6. Find a Grave, base de données et images - https://fr.findagrave.com/memorial/190010271/george-mcaleer : consulté(e) 13 septembre 2025 - Dr George McAleer (1845-1923) - Mémorial Find a Grave 

7. McAleer, George, 1845. A study in the origin and signification of the surname McAleer and a contribution to the McAleer genealogy _ Free Download, Borrow, and Streaming _ Internet Archive.mhtml(en ligne) et A studystudyinoriginsig00inmcal_0001.jpg

8. Ibid, Data furnished by aunt Mary McAleer McGuire, from Ste Brigide D’Iberville County, Province of Quebec, Letter March 15, 1879 and letter February 26, 1883 pages 99 -103. (En ligne)

9. Photos : Paysage agricole, 9e rang de Sainte-Brigide d’Iberville, IMG_0509.jpg et emplacement halte cycliste, Km 31 piste # 1 Route verte, au 9e rang (l’ancienne ligne de chemin de fer), IMG_0508.jpg, photos de J. Choquette, le 16 septembre 2025

10. Bedford 1890-1990, Album centenaire, Éditions Louis Bilodeau & Fils Limitée, Sherbrooke, Québec, 1990, ISBN : 2-921211-50-5, montrant la photo de la maison McAleer, page 539, consulté au Centre d’archives de la Société d’histoire Missisquoi, le 14 septembre 2025 et une photo d’une habitation rurale, Canton de Bedford, photo de J. Choquette, le 16 septembre 2025.

 

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