Albert Giguère et Yvonne Robitaille, grands-parents de Danielle Malenfant | Collection familiale
Yvonne et Albert, grands-parents et travailleurs exemplaires
Danielle Malenfant, La Plume Rousse
Yvonne et Albert, grands-parents et travailleurs exemplaires
Il y a quelques années, j’ai entrepris de rédiger l’histoire de mes aïeux en commençant par mes grands-parents maternels, Yvonne Robitaille et Albert Giguère, afin de permettre à mes enfants et à mes petits-enfants de connaître la vie et le parcours de leurs ancêtres. Pour ce faire, j’ai décidé de m’initier à la généalogie en m’abonnant à plusieurs sites Internet tels que Ancestry1, Mes Aïeux2 et MyHeritage3.
J’ai ainsi découvert avec surprise que, durant toute sa vie, on avait célébré mon grand-père le 8 décembre alors qu’en réalité, il était né la veille. À preuve, voici ce qu’on peut lire sur son acte de baptême :
« Le huit décembre mil neuf cent deux, je soussigné curé de cette paroisse ai baptisé Joseph Albert Giguère né hier fils légitime de Arthur Giguère et de Exilda Laporte […]4»
« Né hier », deux petits mots qui changent tout, n’est-ce pas ? Il m’a donc fallu faire preuve de beaucoup de rigueur dans mes recherches. Je tenais à récolter des informations précises et exactes avant de les transcrire dans l’arbre généalogique que je créais au fil de mes découvertes en parallèle avec le récit de vie de mes ancêtres.
Mes parents, Paul Malenfant et Rachel Giguère, se sont mariés le 1er septembre 1945 à Frelighsburg, dans la région de l’Estrie. | Collection familiale |
Albert Giguère, gérant de ferme pour le premier ministre du Québec
Grâce entre autres aux souvenirs de mes frères Pierre et Laurier, aux journaux intimes de ma grand-mère Yvonne et à mes recherches sur les sites de généalogie, j’ai appris que mon grand-père maternel avait exercé différents métiers au cours de sa vie : cultivateur, barbier, restaurateur, gérant de ferme et ouvrier.
Au début des années 1940, durant la Seconde Guerre mondiale, pépère Albert a été recruté par Adélard Godbout, alors premier ministre du Québec, pour diriger les hommes qui travaillaient à sa ferme, à Frelighsburg. Ma grand-mère préparait quant à elle les repas des hommes engagés qui étaient pensionnaires dans la grande maison. C’est ainsi que mes parents, Rachel Giguère et Paul Malenfant, se sont connus puisque mon père faisait partie des pensionnaires. Mon cousin Émilien Malenfant m’a dit que mon père et Adélard Godbout étaient tous les deux originaires du même village, soit celui de Saint-Éloi dans la région du Bas-Saint-Laurent. Voilà comment la vie a orchestré la rencontre de mes parents, une jeune femme née à Lavaltrie et un jeune homme né à Saint-Éloi.
Sur cette photo jaunie, je reconnais mon père (2e personne en partant de la gauche) et mon pépère Albert (avant-dernière personne à droite). Cette photo a été prise à la ferme de l’honorable Adélard Godbout, à Frelighsburg, que mon grand-père dirigeait et où mes parents se sont connus. | Collection familiale |
Dans le journal Le Canada Français, édition du 11 mars 1944, on mentionne la visite du premier ministre Godbout chez monsieur Giguère, gérant de la ferme Godbout. | BAnQ |
Albert Giguère, restaurateur
Selon un vague souvenir que mon frère Pierre gardait en mémoire, mes grands-parents auraient exploité un restaurant à Montréal durant les premières années de leur mariage. J’ai réussi à dénicher une première information à ce sujet dans l’acte de naissance5 de leur fille cadette, Madeleine. On peut y lire que celle-ci est née en 1930, à Montréal, et que son père exerce la profession de restaurateur. Le recensement canadien de 1931 confirme ce renseignement. Finalement, j’ai lu la note suivante dans l’un des journaux intimes de ma grand-mère, en date du 24 décembre 1952 : « Dernière journée à mon compte; nous vendons le restaurant […] » Est-ce qu’il s’agissait d’un seul et même établissement ? Je l’ignore, mais il demeure que différentes sources démontrent que mes grands-parents ont été propriétaires d’un restaurant.
Mon pépère Albert, vêtu avec élégance, pose devant un bâtiment qui pourrait être son restaurant, qui sait ? | Collection familiale |
L’acte de baptême de Madeleine Giguère confirme que mon grand-père a déjà été restaurateur. | BAnQ |
Il a fière allure, mon grand-père Albert, dans son habit de barbier, n’est-ce pas ? | Mario Piette |
Albert Giguère, barbier
Un samedi, alors que je cherchais une photo de mes grands-parents dans leur balançoire, mon frère aîné m’a suggéré de contacter notre cousin Mario Piette. Sa suggestion s’est révélée excellente, car mon cousin m’a dévoilé un pan de la vie de mon grand-père que j’ignorais totalement : il avait exercé le métier de barbier à Montréal, photo à l’appui. Si j’avais connu ce fait de son vivant, j’aurais peut-être questionné pépère pour qu’il me raconte quelques savoureuses anecdotes. Mais, je n’avais que seize ans lorsqu’il est décédé et j’ignorais qu’un jour, je consacrerais tout mon temps libre à retracer la vie de mes ancêtres. Chose certaine, mon grand-père était un être profondément bon et je suis convaincue qu’il traitait ses employés et ses clients avec humanité et respect.
Yvonne Robitaille, propriétaire d’une friperie
La maison de mes grands-parents comptait un hangar et un garage. J’adorais accompagner mémère dans son hangar. C’était une vraie caverne d’Ali Baba. Les gens de sa communauté déposaient des boîtes et des sacs sur le perron de ma grand-mère, sachant qu’elle distribuerait les effets qu’ils contenaient aux plus démunis. Mémère plaçait les paquets dans le hangar en attendant de trouver un moment pour les fouiller et pour en remettre le contenu aux personnes à qui cela pourrait servir, y compris ses enfants et ses petits-enfants.
Il y avait de tout dans les boîtes du hangar : des vêtements, des jouets, de la vaisselle, des patins (les seuls que j’ai eus dans ma vie), des trésors, quoi ! D’une certaine façon, on peut dire que mémère Yvonne a eu une friperie bien avant que cela devienne à la mode !
Yvonne Robitaille, propriétaire d’un service de traiteur
En plus d’avoir accueilli de nombreux pensionnaires au cours de sa vie, ma grand-mère a aussi préparé une multitude de banquets de noces et de buffets de funérailles. On n’employait pas le mot « traiteur » à cette époque, mais il décrit très bien le travail de ma grand-mère. Mes frères m’ont raconté que mémère embauchait des gens et que le travail s’effectuait à la chaîne : les assiettes passaient entre les mains des employés qui ajoutaient tour à tour une portion de pommes de terre en purée, une portion de farce (celle de ma grand-mère était incomparable), une portion de légumes, etc. Mémère se réservait les tranches de dinde, qui devaient toutes être semblables : chaque assiette était garnie de viande blanche et de viande brune. Si jamais les convives comparaient leurs assiettes, il ne devait pas y avoir de jaloux.
Mon frère Pierre, âgé de trois ans, est assis devant le fameux hangar de mes grands-parents. | Collection familiale |
Mon frère Pierre, qui habitait chez ma grand-mère à cette époque, mettait lui aussi la main à la pâte. Il se souvient que les dindes les plus grosses pesaient de 35 à 40 livres et que mémère les laissait dégeler dans le bain. Il ajoute que pépère avait un gros pilon pour les pommes de terre et qu’il mettait l’énorme chaudron par terre pour mieux exécuter sa tâche. Il mentionne aussi que le boulanger laissait un présentoir complet de pains pour les sandwiches. Mon frère Laurier souligne quant à lui que mémère n’utilisait que la mie pour confectionner les sandwiches et que notre famille héritait de gros sacs remplis de croûtes de pain. Il n’était pas question de les gaspiller. Je me souviens qu’on les mangeait trempées dans du lait sucré (ma mère appelait ce dessert « un petit miton ») ou dans du sirop d’érable lorsqu’on avait la chance d’en avoir. Les croûtes de pain pouvaient aussi s’avérer parfaites pour terminer un pot de confiture.
S’il restait des repas non entamés après l’événement, ma grand-mère les distribuait à des familles dans le besoin.
Voici mes grands-parents Yvonne et Albert dans la salle à dîner de leur maison de Bedford, où toute la famille s’entassait au jour de l’An. Au fond, derrière le bouquet, on aperçoit la porte qui donne sur le logement d’en haut, où mes parents ont habité durant quelques années. | Collection familiale |
Mémère répétait souvent qu’on mangeait d’abord avec nos yeux, et que les assiettes devaient être belles à regarder pour ouvrir l’appétit des convives et pour réjouir leur cœur. Peut-être était-ce l’une des stratégies qu’elle avait développées pour gagner le cœur de mon cher pépère ?
Mémère pouvait accomplir de véritables petits miracles avec ce qui se trouvait dans son garde-manger. Elle était toujours prête à garder sa visite à souper, peu importe le nombre d’invités qui se présentaient à l’improviste. Elle n’avait jamais besoin de courir au dépanneur. Si elle manquait d’un ingrédient, elle modifiait la recette et elle mettait à profit sa créativité. Elle cuisinait souvent juste au cas où il arriverait quelqu’un, et, si elle se retrouvait avec trop de nourriture pour elle, elle cognait à la porte des voisins pour leur en offrir, tout simplement.
C’était quelqu’un, ma grand-mère Yvonne, un vrai personnage, en fait! Femme de tête, politisée, au courant de l’actualité, active au sein de plusieurs organismes, elle aimait bien mettre de l’entrain dans toutes les activités auxquelles elle participait. Je me souviens de l’avoir vue se confectionner une robe de fée des étoiles pour une soirée avec les membres du Club de l’Âge d’or, alors qu’elle avait plus de quatre-vingts ans !
Voici ma grand-mère Yvonne lors du rassemblement familial qu’elle a organisé à l’âge de 82 ans pour célébrer le jour de l’An. Élégante, souriante et dynamique, mémère était la reine de la fête. | Collection familiale |
Grands-parents et travailleurs exemplaires, Yvonne Robitaille et Albert Giguère ont laissé un souvenir impérissable à tous ceux qui les ont connus. Pépère Albert était un bon vivant qui aimait jouer des tours et faire des blagues. Mémère Yvonne était une femme d’affaires accomplie, aimante et généreuse. Ils étaient tous les deux travaillants, accueillants et bienveillants, ce qui explique sans doute le fait que la visite débarquait chez eux presque quotidiennement. Aussi longtemps que je vivrai, je continuerai à évoquer leur souvenir avec amour.
Sources familiales
- Pierre Malenfant
- Laurier Malenfant
- Émilien Malenfant
- Mario Piette
- Journaux intimes d’Yvonne Giguère
Crédit photos : album familial
Sources généalogiques ou historiques
1. Ancestry : www.ancestry.ca/
2.4. Mes Aïeux : www.mesaieux.com/
3. MyHeritage : www.myheritage.fr/
5. BAnQ : www.banq.qc.ca/
Recensement du Canada de 1931
Journal Le Canada Français