Mariage de Florida Belanger et Auguste-Aimé Lavallée
Auguste-Aimé Lavallée, professeur et cultivateur
Bibiane Laliberté
Société de généalogie Saint-Hubert
Devant - Marie Élise; Derrière de gauche à droite - Hormidas, Joseph, Arthur et Auguste-Aimé |
Mon grand-père maternel, Auguste-Aimé Lavallée, est né le 16 février 1880 à Saint-Anselme de Dorchester dans le rang de la montagne. Ses parents sont Ferdinand Paquet dit Lavallée et Euphémie Baillargeon, tous deux natifs de Saint-Anselme. Il était le quatrième enfant d’une famille de onze.
Auguste-Aimé a effectué sa scolarité aux ordres primaire et secondaire à Saint-Anselme. J’ai remarqué qu’il était méticuleux, souhaitant écrire avec une belle calligraphie. Un exercice dans un cahier datant de 1895 en fait foi.
Par la suite, comme il se dirigeait vers le domaine de l’enseignement, il a étudié à l’École normale Laval à Québec. Il a reçu son brevet d’enseignement le 28 juin 1898 avec la mention grande distinction. Ce brevet lui permettait d’enseigner tant au primaire qu’au secondaire.
Le 10 septembre 1901, alors, âgé de 21 ans, il est entré chez les Oblats de Marie-Immaculée de Montréal et a pris le nom de frère Arthur. Mon grand-père a prononcé ses premiers vœux le 13 septembre 1902. Tout près d’un an plus tard, le 12 septembre 1903, il a quitté la communauté. Dans la famille, la raison de son départ n’a jamais été mentionnée.
En septembre 1903, mon grand-père a enseigné à Lachine. Son salaire était alors de 250,00 $ par année. Selon mes sources, les archives de la Commission scolaire de Lachine, il y a enseigné pendant au moins deux ans.
Le 17 mars 1908, Auguste-Aimé a poursuivi son rêve d’occuper une profession religieuse : il est entré chez les Capucins au couvent de Limoilou à Québec. Comme il semblerait qu’il était d’une santé fragile, l’obligation pour les Capucins de porter des sandales, tant en hiver qu’en été, l’a rendu souvent malade. Il a donc dû quitter la communauté en mars 1909.
Auguste-Aimé Lavallée change d’orientation. Il laisse définitivement le sacerdoce pour se consacrer à l’enseignement à Saint-Anselme. Dans son cercle d’amis de cette paroisse, les frères Bélanger, les enfants de Gédéon Bélanger et de Marie Roy, prenaient une grande place. Une de leurs sœurs ainées, Florida, revient des États-Unis durant l’année 1909, peut-être vers la fin de l’année. C’est à ce moment-là qu’il a commencé à la fréquenter.
Le 6 avril 1910, Auguste-Aimé Lavallée a épousé Florida Bélanger. Florida est née le 31 juillet 1875 à Saint-Anselme. Ils ont eu quatre enfants : deux garçons et deux filles. Malheureusement, les garçons sont morts quelques jours suivant leur naissance : François D’Assise, en avril 1912 et Candide, en aout 1913. Ma mère, Gertrude, est née le 24 septembre 1914 et ma tante, Lorette, est née le 27 janvier 1919.
Au recensement de 1911, le couple habitait la maison paternelle d’Auguste-Aimé avec sa mère, Euphémie Baillargeon, et son jeune frère, Joseph, alors âgé de 14 ans.
En 1912, mon grand-père, en plus d’enseigner, fait le choix d’acheter une ferme dans le rang Saint-Marc à Saint-Anselme. Pour l’aider dans les différentes tâches, en été, il engageait de jeunes garçons, des enfants de ses amis, les Labrecque. L’hiver, il ne gardait que quelques animaux pour subvenir aux besoins de sa famille : une vache, quelques cochons et des poules.
Mon grand-père est décédé le 5 février 1955. Il n’a été malade qu’une seule journée. Je me souviens d’être allée à ses funérailles en « snowmobile », car il faisait tempête ce jour-là. En 1955, les routes rurales n’étaient pas ouvertes l’hiver.
En ces années-là, les gens exposaient leur mort à la maison. C’est ce qui s’est passé pour lui. Mon grand-père a été exposé dans le salon de la maison de mes parents. La parenté a passé la nuit à veiller le corps.
J’ai quelques souvenirs de cet évènement. Par exemple, un cousin de ma mère, qu’on connaissait peu, était là et ma tante Édouardine qui restait tout près nous apportait la nourriture. Elle aidait ma mère ayant accouché de mon plus jeune frère six semaines auparavant. À la campagne, les gens s’entraidaient beaucoup.
Profession et métier
Auguste-Aimé a toujours été fier d’être à la fois maitre d’école et cultivateur.
Il a enseigné à l’école Modèle de Saint-Anselme pour garçons de 1916 à 1940, tout en cultivant sa ferme avec de l’aide. Il était reconnu comme étant un maitre sévère, mais juste. Même un oncle de mon époux l’avait connu et il se faisait toujours un plaisir de souligner que j’étais la petite-fille de M. Lavallée et qu’il l’avait bien aimé comme enseignant.
Plusieurs jeunes de la paroisse de cette époque lui doivent leur formation. Parmi ses élèves, il y a eu mon père, ses frères et 19 futurs prêtres, dont trois sont mes oncles.
J’ai trouvé dans ses papiers le modèle de tableau de l’emploi du temps pour l’école secondaire en 1925. Cet outil a été préparé par l’inspecteur Arsène Paquin et il était mis à la disposition de tous les enseignants. Le nom de mon père y parait.
J’ai aussi trouvé des cahiers qui lui servaient à préparer ses cours. Comme il était abonné à des journaux, Le Devoir et l’Action catholique, il conservait des articles qui lui permettaient de recueillir des informations utiles à ses cours. Il était méthodique, car il se bâtissait des index pour classer et bien retrouver ses articles.
En 1942, comme il est mentionné dans le livre Le mérite agricole 19421 il a gagné la médaille d’argent du mérite agricole. À ce moment-là, son gendre, Alphonse Laliberté, mon père, cultivait la terre avec lui. Dans l’article, il est écrit que son gendre est un bon élève. C’était vrai, car son gendre avait de l’expérience. Il avait grandi sur une ferme.
Non-reconnaissance
Mon grand-père s’est souvent impliqué dans l’animation d’activités paroissiales. Ainsi, il a été le responsable du groupe des enfants de chœur et il a enseigné à ces jeunes le chant. Quelles ne furent pas sa surprise et sa déception quand le Curé Omer Carrier a énoncé du haut de la chaire le commentaire suivant : « La morale de la paroisse sera augmentée, et enfin il y aura du beau chant à l’église avec l’arrivée des Marianistes ! »
Le curé était fier de sa réussite, après avoir fait des démarches pour faire venir une communauté de frères enseignants, les Frères marianistes. Enfin, il avait atteint son but! Mais il n’avait pas réalisé la blessure qu’il venait d’infliger à mon grand-père.
En réponse aux paroles du curé, Auguste-Aimé a pensé quitter l’église sur le champ, mais il s’est retenu. En tant que bon chrétien, il a fait un autre choix. De retour à la maison, il a dit à sa femme et à ses filles : « Agenouillons-nous et prions pour monsieur le curé Carrier. »
Quelques années plus tard, le curé Carrier a quitté Saint-Anselme et, lors de son hospitalisation, mon grand-père est allé le visiter à l’hôpital à sa demande. Le curé lui a alors avoué qu’il s’était laissé influencer par de mauvaises langues. Il lui a alors demandé pardon, car il regrettait ce geste inapproprié.
Ma mère et ma tante ont souvent raconté ce fait. Tout comme nous, elles en avaient été impressionnées…
L’arrivée des Frères marianistes à Saint-Anselme n’a pas été bénéfique pour mon grand-père. En plus du désaveu public par le curé, Auguste-Aimé a éprouvé des difficultés avec la Commission scolaire de Saint-Anselme. Vers la fin de sa carrière, deux ou trois ans avant sa retraite, on a voulu le congédier pour éviter de lui payer une rente. Grâce à l’intervention de l’inspecteur d’école, il a pu terminer ses dernières années d’enseignement, mais il a dû accepter une diminution de salaire. Il a enseigné à l’école du rang de la Montagne, une école primaire, au salaire d’une institutrice. À l’époque, les institutrices recevaient un salaire inférieur à celui des maitres d’école.
Heureusement, comme dans tout évènement, il n’y a pas que le côté négatif. En effet, mon frère, Jean-Luc, m’a raconté qu’un marianiste, le frère Albert Vermette, lui a enseigné l’anglais en 6e année. Pendant ses cours, le frère parlait à l’occasion de ses souvenirs de jeune professeur et de ceux qui l’avaient aidé. Il n’avait que des éloges pour M. Lavallée. En effet, il disait que ce maitre d’école l’avait conseillé au début de sa carrière à Saint-Anselme. Il lui était redevable pour sa générosité et son partage de connaissances avec une jeune débutant.
Implication
Auguste-Aimé a été secrétaire-trésorier de la municipalité de la paroisse de 1920 à 1930 pour un salaire de 175 $ par année. Pendant 10 ans, il a participé à la fondation de la coopérative fédérée et à l’implantation de la caisse populaire à Saint-Anselme.
Dans l’Action catholique du 16 mai 1918, un entrefilet informe les lecteurs qu’Auguste-Aimé a été choisi par le Cercle agricole pour faire partie d’une délégation dont le mandat était d’influencer le gouvernement fédéral pour obtenir un congé de service militaire pour les fils de cultivateurs.
Mon grand-père a correspondu avec Joseph Drouin, fondateur de l’entité commerciale Les Généalogies Drouin2, qui lui demandait des renseignements sur ses parents et ses grands-parents Paquet dit Lavallée et Baillargeon. Il correspondait aussi avec un petit cousin de Québec, Joseph Lavallée, sténographe officiel au Palais de justice de Québec, pour approfondir la généalogie de la famille Paquet dit Lavallée et Baillargeon.
Comme vous pouvez voir, la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre !
Retraite
Auguste-Aimé a passé ses années de retraite à son vieux secrétaire dans sa chambre chez mes parents.
Il y a écrit au dactylo de nombreux textes et a découpé des articles de journaux qui l’intéressaient. Mon grand-père utilisait tout ce qui lui tombait sous la main. Il prenait de vieux livres dans lesquels il collait des coupures de journaux. Tous ces documents ont été rangés dans une grosse valise.
Je considère cette vieille valise comme un trésor de famille. J’y ai trouvé le livre de loi de la Reine Victoria où chaque page du livre était couverte de découpures d’articles.
Son gros secrétaire est un meuble fabriqué à la main par M. Ambroise Roberge en décembre 1911 pour un montant de 10 $.
Il a toujours été rempli de livres. Jeune, j’étais fascinée par tous ces beaux livres.
J’allais voir mon grand-père quand il y travaillait. Cela me donnait une occasion de lui demander s’il avait des pastilles Vicks.
Pour en obtenir, je devais avoir fait ma prière matinale. Ma réponse à sa question, « As-tu fait ta prière ce matin? », était décisive. Si je lui répondais non, je ne pouvais en avoir. Alors, pour me reprendre, je me dépêchais d’aller la faire dans la chambre située juste à côté, et je revenais rapidement. Alors, il ouvrait son tiroir et m’en donnait une.
De gauche à droite - Huguette Laliberté, Bibiane Laliberté |
Souvenirs
Je garde de bons souvenirs de mon grand-père maternel. Auguste-Aimé était doux avec nous. Mes frères et mes sœurs plus âgés que moi disent qu’il aimait bercer ses petits-enfants.
Je me souviens d’une belle journée d’été où ma sœur Huguette et moi-même étions sur le fenil à jouer dans le foin. Il y avait une fenêtre qui nous a permis de voir notre grand-père revenir à pied du village; il devait être arrivé à la hauteur du voisin en trainant une voiturette. Nous sommes descendues à toute vitesse pour aller à sa rencontre, car nous savions que ce merveilleux objet était pour nous…
1. QUÉBEC MINISTÈRE DE L’AGRICULTRE, 1942.
2. Instauré dès 1899 par Joseph Drouin, l'Institut généalogique Drouin s'est d'abord fait connaître sous l'entité commerciale Les Généalogies Drouin enr., avant d'adopter sa raison sociale définitive en 1913.