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SEMAINE NATIONALE DE LA GÉNÉALOGIE
Du 18 au 25 novembre 2023                             

C’était Élisabeth Casse en Nouvelle-France

C’était Élisabeth Casse en Nouvelle-France

Guy Robert

Société généalogique canadienne-française

 

En remontant dans le temps au travers de notre arbre ancestral on découvre la présence d’Élisabeth Casse d’abord en tant que mère du marié dans l’acte du mariage de son fils Jean-Baptiste avec Suzanne-Élisabeth Charbonneau; acte dans lequel on identifie aussi son époux et père de Jean-Baptiste, Jean-Baptiste Dumontet.

Ces renseignements nous permettent de trouver l'acte du mariage d'Élisabeth avec Jean-Baptiste Dumontet dit Lagrandeur, célébré le 6 novembre 1712 à La Prairie, QC.

Acte de mariage d’Élisabeth Casse et Jean-Baptiste Dumontet dit Lagrandeur, le 6 novembre 1712 à La Prairie, QC

Acte de mariage d’Élisabeth Casse et Jean-Baptiste Dumontet dit Lagrandeur,
le 6 novembre 1712 à La Prairie, QC
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Ses parents sont identifiés comme étant Jacques Casse et Élisabeth Cathlin. On apprend également qu’elle est âgée de 17 ans; en réalité elle est âgée de 16 ans comme nous le verrons plus loin, qu’elle est originaire de Deerfield en la Nouvelle-Angleterre et qu’elle demeure dans la paroisse de La Prairie chez Pierre Roy. Les témoins identifiés sont : Clément Leriger dit Laplante officier d’un détachement de la Marine, Pierre Roy, Jacques Roy et François Lefebvre.

Surprise ! Bien qu’elle soit originaire de la Nouvelle-Angleterre, nos recherches nous permettent aussi de trouver un acte de baptême suppléé la concernant, célébré le 14 juillet 1705 à l’église Notre-Dame de Montréal.

Acte de baptême d’Élisabeth Casse, le 14 juillet 1705 à l’église Notre-Dame de Montréal, QC

Acte de baptême d’Élisabeth Casse, le 14 juillet 1705
à l’église Notre-Dame de Montréal, QC
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Ce document confirme Deerfield en la Nouvelle-Angleterre comme son lieu de naissance ainsi que l’identité de ses parents, tout en précisant qu’ils sont indépendants3, que son père est décédé et qu’elle est anglaise. La date de naissance inscrite sur son acte de baptême est le (6 février VS) de l’année 1696 [VS pour vieux style]. Il s’agit d’un renseignement que le père Meriel aura obtenu en interrogeant Élisabeth sur ses origines. Il faut savoir qu'à l'époque la Nouvelle-France fonctionnait selon le calendrier grégorien, alors que la Nouvelle-Angleterre employait le calendrier julien4, d'où l'emploi du qualificatif "Vieux Style" par le célébrant. En 1696, lors de sa naissance, le calendrier julien retardait de 10 jours par rapport au calendrier grégorien; Élisabeth serait donc née le 16 février au calendrier grégorien et était âgée de 9 ans lors de son baptême.

L'acte de baptême parle aussi de sa prise comme otage le 11 mars 1704 à Deerfield avant d'être amenée en Nouvelle-France pour demeurer dans la maisonnée de Pierre Roy à La Prairie. Ceci nécessite d'être investigué plus à fond tant du point de vue des colonies de la Nouvelle-Angleterre que de la Nouvelle-France. Heureusement, de nombreux ouvrages de très bonne qualité historique et documentaire sont disponibles sur le web5,6,7.

On y apprend qu'il y eut effectivement un raid ‑ certains l'appelleront un massacre ‑ sur Deerfield, ville frontière entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre, par une armée constituée de Français et d'Autochtones et menée par le lieutenant Jean-Baptiste Hertel de Rouville. Cette attaque est provoquée par une guerre dynastique qui se déroule alors en Europe et qui s'est étendue à la vallée de la rivière Connecticut en 1699. Le gouverneur Philippe de Rigaud de Vaudreuil est impatient de passer à l'action et de consolider son alliance avec les Autochtones, qui réagissent à la colonisation de leurs territoires par les colons à travers l'Amérique du Nord. Les troupes qui se rassemblent à Chambly à la fin de 1703 viennent de communautés endurcies par cinquante années de lutte contre la ligue iroquoise des Cinq Nations.

On remarque que cette attaque a lieu le 29 février 1704. Alors, comment expliquer que, selon son acte de baptême, Élisabeth fut faite prisonnière le 11 mars 1704 ? Encore une fois, c'est l'utilisation du calendrier julien en Nouvelle-Angleterre et grégorien en Nouvelle-France qui explique cette différence de 11 jours. Il s'agit en fait du même jour, car à l'époque du raid, le calendrier julien retardait de 11 jours par rapport au calendrier grégorien.

Un descendant d'un des habitants de Deerfield à l'époque du raid, George Sheldon, consacra plusieurs années à une œuvre historique, publiée en 1895-18968, racontant le destin de la majorité des habitants de Deerfield au matin du 29 février 1704 (julien). On y apprend, entre autres, qu'Elizabeth se nomme Corse et non pas Casse puis qu'elle est née le 4 février 1696. On aura compris que sa date de naissance telle que relevée par George Sheldon est selon le calendrier julien. Bien qu'il ne fournisse pas de référence à une source documentaire quelconque pour la date de naissance d'Elizabeth, la numérisation récente de documents de l'état civil de Deerfield9 permet de confirmer cette date. Ceci signifie que la date inscrite dans l'acte de baptême suppléé d'Elizabeth par le père Meriel est donc erronée et que sa date de naissance au calendrier grégorien est plutôt le 14 février 1696.

Corss, Elizabeth birth MassTown Vital Records 1620-1988 (Anc).jpg

Transcription sommaire des enregistrements de l'état civil pour la famille de James Corss
(Massachusetts, Town and Vital Records, 1620-1988, Ancestry.com)

Sheldon confirme aussi que le père d'Elizabeth, James Corse, est décédé peu de temps après sa naissance, soit le 25 mai 1696 (grégorien) selon les documents de l'état civil de Deerfield. De plus, elle ainsi que sa mère furent enlevées par les troupes venues de Nouvelle-France et y furent ramenées de force. Finalement, on apprend que sa mère, Elizabeth Catlin, fut tuée sur le chemin vers la Nouvelle-France.

Une carte préparée par John P. Dulong, un éminent chercheur des événements de Deerfield, donne une bonne idée du trajet qu'ont dû emprunter sur plus de 500 km les otages ainsi que les troupes après l'attaque. On y apprend qu'Elizabeth Catlin aurait été tuée le 7e jour de la remontée10, soit le 17 mars 1704 (grégorien), entre Williams River et Mill Brook.

March of the Deerfield captives

Carte montrant le trajet de la marche vers la Nouvelle-France
après l'attaque sur Deerfield par John P. Dulong, 200111

Quant aux origines de James Corse, de son patronyme et de son épellation, nous nous référons encore une fois aux recherches effectuées par John P. Dulong à cet égard12. Selon des documents retrouvés en Nouvelle-Angleterre, le patronyme que James, ses enfants ainsi que plusieurs de leurs descendants utilisaient le plus souvent, était écrit Cors ou Corss. Cette graphie particulière, définitivement d’origine écossaise, dérive d’un terme écossais désignant une croix. Les cas étudiés soulignent les variances de la graphie (fs représente un long « s », qui ressemble à la lettre « f » d’aujourd’hui, suivie du « s » régulier). Les textes démontrent que Corse est plus souvent orthographié Cors, lorsqu’écrit par un membre de la famille, et Cofs lorsqu'inscrit par un greffier de la Nouvelle-Angleterre. Le « r » semble avoir été silencieux aux oreilles du greffier anglais.

Le nom d'Elizabeth Corss aurait dû être inscrit tel quel dans les registres religieux de la Nouvelle-France, mais le père Meriel inscrivit Élisabeth Casse; soit ce qu'il avait entendu. Les francophones prononcent quelques fois la voyelle « a »,« ah » ou « aw », selon la sonorité entendue. Cette dernière forme représente sans doute la prononciation du nom de famille faite par l’enfant, le « r » étant totalement muet.

La perte du « r » et la prononciation du « a » rendent Casse très similaire à Coss, variante connue de Corss que l’on retrouve en Nouvelle-Angleterre.

Enfin, dans une lettre du 15 octobre 1895, Charles Corss écrit à George Sheldon que Corss était la façon « à Deerfield d’épeler [le nom] du premier James ». Ce fut pendant longtemps la forme préférée par la plupart des descendants de James Corss de la région de Deerfield. Bref, l’emploi de Cors ou de Corss plutôt que Corse, révèle bien l’héritage écossais des Corse de Deerfield. De plus, on constate que l'épellation du patronyme est bel et bien Corss dans le document de l'état civil du Massachusetts présenté plus haut.

En mai 1710, Elizabeth obtient la nationalité française sous le nom d'Élisabeth Coss13. Vers juillet 1711, âgée de seulement 15 ans, elle aura une rencontre intime, vraisemblablement involontaire, avec un homme de son entourage qui se soldera par la naissance d'une fille nommée Marie-Françoise Casse, née de père inconnu, le 20 avril 1712 à La Prairie. L'enfant décède le 26 avril 1712 au même endroit. Il existe une forte présomption que le géniteur de Marie-Françoise Casse ait été un homme de la maisonnée de Pierre Roy et de Catherine Ducharme. En effet, Elizabeth, âgée de 15 ans à l'époque, habitait à La Prairie chez Pierre Roy, son gardien depuis 7 ans déjà, suite à sa capture à Deerfield en la Nouvelle-Angleterre.

C'est sept mois après le décès de sa fille Marie-Françoise, soit le 6 novembre 1712 à La Prairie, qu'elle épouse Jean-Baptiste Dumontet dit Lagrandeur avec qui elle donnera naissance à huit enfants. Celui-ci décède le 20 mai 1729, à 62 ans. C'est leur fils Jean-Baptiste qui assure notre lien avec Elizabeth Corss.

Lignée Guy Robert - Elizabeth Corse

Schéma illustrant le lien entre Guy Robert et Elizabeth Corss14

Le 19 janvier 1730, suite au décès de son premier mari, elle épouse Pierre Monet avec qui elle donnera naissance à six autres enfants. Elizabeth Corss décède le 26 janvier 1766, âgée de 69 ans. Pierre Monet lui survivra huit années.

Elizabeth Corss, une de nos arrières-grands-mères du sixième degré (9e génération de notre arbre ancestral), aura eu une existence très mouvementée, une destinée hors du commun et est un exemple de résilience pour tout être humain. Nous sommes heureux d'avoir partagé ces recherches avec vous, que vous soyez un de ses descendants ou non.


1. Collection Fonds Drouin

2. Collection de Family Search

3. Mouvement religieux présent en Angleterre et en Écosse au milieu du XVIIe siècle. Les indépendants réclamaient le contrôle local des affaires religieuses par les congrégationalistes. | https://fr.wikipedia.org/wiki/Independent_(religion)

4. Passage du calendrier julien au calendrier grégorien | https://fr.wikipedia.org/wiki/Passage_du_calendrier_julien_au_calendrier_gr%C3%A9gorien

5. L'Encyclopédie canadienne | https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr

6. Raid On Deerfield : The Many Stories of 1704 |  http://1704.deerfield.history.museum/

7. Raid on Deerfield | https://en.wikipedia.org/wiki/Raid_on_Deerfield

8. SHELDON George, 1895-1896, A History of Deerfield, Massachusetts - The times when and the people by whom it was settled, unsettled, and resettled, with a special study of the Indian wars in the Connecticut Valley; with genealogies

9. Massachusetts, Town and Vital Records, 1620-1988, Ancestry.com

10. Selon un récit par Samuel Carter en 1884. "The Route of the French and Indian Army that Sacked Deerfield Feb. 29th 1703-4 [O.S.], on their Return March to Canada with the Captives." Pocumtuck Valley Memorial Association History and Proceedings, 2 (1880-1889): 126-151

11. Page Web de John P. Dulong consacrée à Élisabeth Casse   http://habitant.org/corse/casse.htm

12. MSGCF, volume 55, numéro 2, cahier 240, été 2004, pp. 137-145

13. Programme de Recherche en Démographie Historique, PRDH,   https://www.prdh-igd.com/fr/accueil

14. Produit par le logiciel GenoPresse à partir des données entreposées sur la base de données Heredis.

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