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SEMAINE NATIONALE DE LA GÉNÉALOGIE
Du 18 au 25 novembre 2023                             

Femme de tête, femme de cœur

Marguerite Desjardins, dite Sœur Madeleine du Sacré-Cœur de La Providence

Femme de tête, femme de cœur

Francine Poulin

La Société de la généalogie de La Jemmerais

 

Marguerite Desjardins, dite: Sœur Madeleine du Sacré-Cœur de La Providence

C’est au fond d’un placard sur une tablette, qu’une vieille valise entassée parmi d’autres objets attendait preneur. Elle était petite, mince, de couleur argent, encadrée d’une bande noire et à l’épreuve du feu. En y regardant de plus près, nous y trouvâmes des photos de mariages, de décès, d’autres documents et un essai généalogique. Je me suis attardée sur ce dernier, relié d’une couverture cartonnée de couleur terre de Sienne, de dimension de 8 pouces par 5 pouces et demi, comptant d’une trentaine de pages. Il y est inscrit : D-G, Baptistère et Biographie de la Famille Desjardins. Vous imaginez bien, en tant que généalogiste en herbe, que l’euphorie et la curiosité s’emparèrent de moi. Quel trésor je tenais dans les mains ! C’est bien un essai généalogique que Marguerite Desjardins, dite Sœur Madeleine du Sacré-Cœur de la Providence, écrivit de sa main dans la quatre-vingt-dixième année de sa vie, ce 15 novembre 1939. Ce cadeau du ciel de mon arrière-arrière-grande-tante m’a permis d’élaborer et de continuer des recherches généalogiques de ma lignée maternelle DESJARDINS. C’est avec fierté que je vous raconte la vie exemplaire de mon arrière-arrière-grande-tante, cette femme avant-gardiste qui donna sa vie pour le bien d’autrui.       

Le 15 novembre 1850, naquit à St-Janvier cette petite fille prénommée Marguerite, la neuvième de douze enfants de Joseph Desjardins et de Madeleine Graton. Ces derniers, mariés le 11 janvier 1836 à Sainte-Thérèse de Blainville, vivaient du travail de la terre. Une ambiance chaleureuse régnait à la maison. Les jours de fête, les chansons et les rires remplissaient les cœurs de chacun.

Ainsi, la jeune Marguerite devint une jeune femme enjouée, charmante, de mise soignée et d’une belle prestance.  Elle fréquenta Le Pensionnat de la Congrégation Notre-Dame à Sainte-Thérèse de Blainville construit en 1847. À 15 ans elle revint au bercail pour aider sa mère aux tâches domestiques. Elle y apprendra à confectionner des chandelles de suif, l’étoffe du pays, les fines dentelles et à filer le lin tout en écoutant sa mère chanter des cantiques à la Vierge. Une robe de baptême brodée des mains de Marguerite fut conservée par la famille et fera la fierté d’au moins trois générations suivantes.

Suite au décès de sa mère par un mal subit, Marguerite prit à l’âge de dix-neuf ans la responsabilité des soins de la maison et veillera au bien-être des 3 plus jeunes. À vingt-trois ans, elle quitta le foyer familial avec peine au cœur, en faisant ses adieux à son vieux père et à tout ce qu’elle aimait. C’est le 23 septembre 1874 que Mère Caron, supérieure générale, admit Marguerite pour le noviciat à l’Asile de la Providence. Pendant ces deux années, elle fut initiée à la vie communautaire et religieuse. Imprégnée de l’esprit de bienfaisance et de charité de la communauté, elle prononça ses vœux le 15 août. Dorénavant, son nom devient Sœur-Madeleine du Sacré-Cœur.

Au lendemain de son engagement, Mère Thérèse de Jésus, fondatrice de l’Hospice Saint-Jean-de-Dieu, la prit sous son aile, car elle apprécie les qualités morales et les aptitudes variées de la nouvelle venue. C’est donc dans cet établissement qu’elle œuvra auprès des aliénés, pour l’amélioration de leurs conditions. Cette pionnière a su contribuer, avec le peu de moyens de l’époque, à l’obtention d’aide auprès des dirigeants politiques pour que les patients disposent d’un lieu plus adéquat pour subvenir à leurs besoins.

Le 4 juin 1889, un voyage en Europe se prépare pour deux sœurs de La Providence. Déléguée par le gouvernement provincial, Mère Thérèse de Jésus reçut le mandat de visiter les meilleurs établissements de l’Europe pour les aliénés, afin d’accroître leur expertise. Elle choisit Sœur Madeleine du Sacré-Cœur comme compagne de voyage. Ensemble, elles parcoururent l’Angleterre, l’Écosse, la France, la Belgique, l’Italie. Elles obtinrent une audience le 25 juillet avec le Pape Léon XIII, qui les bénit et les encourage pour leur travail. Le voyage se termina le 24 août 1889. Vous trouverez le document relatant ce voyage sur le lien ci-dessous : https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/1986907

Le 6 mai 1890, un incendie éclata et rasa de fond en comble l’hospice construit en 1874. Le 22 novembre 1891, Sœur Ste-Thérèse de Jésus décéda. Sœur Madeleine du Sacré-Cœur prit alors la succession. Suite à l’incendie, tout est à organiser, il faut continuer à pourvoir aux besoins des malades qui sont toujours logés dans des pavillons temporaires. Il faudrait tout un livre pour relater toutes les difficultés auxquelles elle dut faire face ainsi que les services rendus à l’institution. Que de démarches et de patience furent nécessaires pour reconstruire l’hospice, devenu hôpital et renouveler en 1895 le contrat avec le gouvernement qui fut l’une de ses plus grandes réalisations en tant que supérieure.

En plus de son sens des responsabilités, Sœur Madeleine du Sacré-Cœur, la 3e Supérieure de l’hospice de St-Jean-de Dieu, a le sens du progrès et l’intérêt de ses patients à cœur. Elle organisa des activités à travers des récréations, des concerts, des banquets, des expositions d’ouvrages faits par les patients, de nombreux pique-nique sur le fleuve pendant la belle saison. Elle mit tout en œuvre pour éveiller l’intelligence de ses chers malades. Elle n’hésita pas à s’asseoir par terre pour établir la communication avec le patient. Il arriva en reconduisant un malade agressif à sa chambre de se faire cracher en pleine figure. Dans des situations difficiles, la Bienveillante Sœur gratifia Dieu de sa bonne santé. 

Elle est reconnue pour ses aptitudes, telles que mettre à flot les budgets des différents établissements de la Communauté. Son sens de la gestion et ses divers talents l’ont amenée à occuper un poste de directrice et d’assistante au gouvernement provincial. L’Hospice St-Jean de Dieu de Montréal a porté plusieurs noms avant de devenir Institut Universitaire en Santé mentale de Montréal. Il est actuellement le plus reconnu de la Province de Québec.

C’est avec fierté que nous reconnaissons cette pionnière, religieuse québécoise, qui a apporté grandement sa contribution à l’existence cet établissement de haut niveau. Sa personnalité, son courage et son dévouement ont permis d’outrepasser les jugements des gens, qui ne considéraient pas l’importance des soins apportés aux aliénés.   

Le voyage en Europe a certainement influencé la gestion de la nouvelle construction. Elle acquiert des connaissances approfondies au cours des visites aux différentes institutions en santé mentale. Tout a été soigneusement noté dans un document intitulé « Récit du voyage d’Europe de sœur Thérèse de Jésus et sœur Madeleine du Sacré-Cœur, 1889 »

Voici quelques faits saillants de sa brillante carrière :

  • En 1918 elle occupe le poste de Supérieur à l’hôpital la Providence à Haileybury en Ontario.
  • En 1926 on lui rend les honneurs par la Bénédiction spéciale du Saint-Père pour son jubilé d’or (50 ans).
  • En 1936 de diamant (60 ans).
  • En 1946 de rubis (70 ans).
  • En 1939 un essai généalogique fut écrit d’une calligraphie impeccable pour ses neveux et nièces et leurs descendants dont je fais partie.
  • En 1941, elle quitte son poste d’assistance provinciale occupé depuis 1934 à cause d’une grave maladie.
  • En 1944 de sa chambre à l’infirmerie de l’Hôpital, elle se remet suffisamment pour rédiger ses mémoires.  
  • En 1947, à 97 ans, elle rend l’âme le 9 décembre à l’hôpital St-Jean de Dieu, suite à une fracture du fémur. Elle compte 73 ans 2 mois 14 jours de vie religieuse. Elle est inhumée au cimetière de la Communauté à St-Jean de Dieu.

Le texte ci-dessous est tiré de son essai généalogique, écrit en 1939 par Sœur Madeleine du Sacré-Cœur :

« À tous mes neveux, nièces et à leurs enfants, je dédie ce modeste essai généalogique enrichi de quelques notes historiques. J’ai éprouvé un indicible plaisir à retracer en ma vieillesse, la souche terrienne de ma propre famille. Cette joie, je l’ai continuée et multipliée en mettant à date le travail commencé, « Bon sang ne mens pas » c’est ce que prouvent ces pages consacrées aux descendants de mes frères et sœurs. Quel charme mon vieux cœur, toujours vibrant pour les miens, a éprouvé; avec quelle vigueur reconquise mes mains alanguies ont tracé ces lignes dictées par une tendresse encore jeune ! Cela va sans dire, je compte sur les prières des miens. Ils m’aideront à donner tout à Dieu les jours du déclin de la vie. En retour, j’aurai pour eux un souvenir constant jusqu’à mon dernier soupir. Que dans chaque foyer demeurent continuellement et règnent paix, concorde, charité sincère, innocence, piété, crainte de Dieu ! En ma fête de naissance, la quatre-vingt-dixième de ma vie, le 15 novembre 1939. » Sœur Madeleine du Sacré-Cœur

Source : D-G Baptistère et Biographie de la Famille Desjardins

 

Mes hommages

Tous mes hommages sont pour vous, Sœur Madeleine du Sacré-Cœur, pour votre dévouement et votre apport à notre société aux plus démunis, les aliénés. Par votre foi et votre amour pour autrui, vous avez cru à la bonté de chaque être humain sans les juger. Je suis de la 5e génération suivante à la vôtre et c’est avec enthousiasme que je continue mes recherches généalogiques. Votre travail n’a pas été vain, car grâce à cette vieille valise, vous nous faites découvrir une page d’histoire de la famille Desjardins. Mon souhait le plus cher est la continuité de cette belle aventure d’une des familles pionnières du Québec.

Sait-on jamais, il y a peut-être parmi vous quelqu’un qui prendra le flambeau avec autant d’intérêt que moi. Comme l’écrit si bien cette vaillante sœur de la Providence « Bon sang ne mens pas », les Desjardins sont là pour demeurer.               

Les mots « Je me souviens » résonnent à mes oreilles en écrivant votre parcours de vie. C’est avec fierté que je partage mon texte de notre histoire de famille que vous avez enrichie.  

Votre arrière-arrière-petite-nièce.

 


Note : Pour rendre hommage et ne pas oublier mon ancêtre, une partie de mon document a été partagé à la Société de La Jemmerais & Wikipédia en 2014. Sources : D-G Baptistère et Biographie de la Famille Desjardins

In memoriam, extrait du journal de la communauté de la Providence maison mère

https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/1986907

 

Arbre généalogique Desjardins

 

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